LES HOMMES QUI ONT FAIT NOTRE HISTOIRE
IBN ROSTOM
Chez les Tribus Berbères de la Tripolitaine occidentale que l'ibadhisme s'installe : Zenata, et surtout Nefouça établie sur les falaises rocheuses de la Jeffara, dont Tripoli est la capitale. Et c'est comme ça que les Ibadhistes font la conquête de Tripoli et de Kairaouan (Tunisia) à la tête de laquelle Abulkhattab place Abderrahmane Ibn Rostom.
Qui est-il, ce futur fondateur de la dynastie Rostomide d'Afrique du Nord ?
Deux chroniqueurs du onzième siècle nous en parlent, Ibn Saghir et Abu Zakariya. Celui-ci nous le décrit ainsi : " Il était originaire de l'Iraq. Son père Rostom avait connaissance que sa postérité exercerait le pouvoir sur le territoire du Maghreb. Rostom quitta l'Iraq accompagné de son fils Abderrahmane et de son épouse afin de gagner le Maghreb. Arrivé à la Meque, ou non loin de là, il fut atteint par la mort, ses jours arrivèrent à leur terme et il trépassa. Son fils Abderrahmane et sa mère rencontrèrent à la Meque des pèlerins du Maghreb; la mère de Abderrahmane épousa un homme de Kairouan qui l'emmena jusqu'à Kairouan où Abderrahmane grandit.
Quand il eut atteint l'âge d'homme, qu'il eut étudié et fut devenu éloquent, un homme parmi les gens de la secte jeta les yeux sur lui et lui dit : " jeune homme, si vraiment tu cherches ce que je te vois en train de chercher, va trouver Abu Ubaïda Muslim Ibn Abi Karima Al Tamîmî, tu trouveras auprès de lui ce que tu espères… "
Après avoir fait ses classes à Bassorah, le jeune Abderrahmane revient en Tripolitaine, est nommé gouverneur de Kairouan par l'imam Abulkhattab, jusqu'à la destruction de l'immamat par une armée Abbaside à Taurga à l'est de Tripoli, en 144 H. Cette défaite est le signal de la première grande "fuite" au désert des Ibadhites.
L'ORIGINE DES IBADHITES :
ABDERRAHMANE IBN ROSTOM :
TAHERT (actuellement appelée Tiaret) :
Abderrahmane Ibn Rostom quitte Kairouan de nuit avec son fils Abdel Wahab, et un eclave, par l'ouest du pays, au Chott Djerid, il gagne une zone montagneuse où il refait ses forces, récupère des cheikhs Ibadhites eux aussi en fuite et s'installe dans l'ouest de l'Algérie actuelle, sur le site de Tahert où il fonde une cité qui allait devenir fameuse à bien des égards. Ecoutons Abu Zakarya : " Plus d'un de nos amis a rapporté que Abderrahmane Ibn Rostom -Dieu l'agrée- fut investi du pouvoir à Tahert en l'année 160. Voici comment il fut investi ce pouvoir : l'assemblée des Musulmans se mit d'accord pour choisir un endroit où serait construite une ville qui servirait d'abri et de forteresse à l'Islam. Ils envoyèrent des émissaires dans le pays; ceux-ci, une fois de retour, désignèrent Tahert. La majorité des musulmans se mirent d'accord avec les habitants de l'ancienne Tahert pour que ceux-ci eurent droit à une part déterminée des produits du sol. Ce n'était auparavant que maquis touffus et marais peuplé de bêtes sauvages, de lions et de petits reptiles. Ils y construisirent la mosquée et ils se mirent à bâtir et élevèrent des demeures et des palais".
En cent trente années, jusqu'en 909, date de la destruction de la cité par les khalifes fatimides, les imams Rostomides allaient créer un véritable état Ibadhite d'Afrique du Nord, de Tlemcen à Tripoli.
UN SIECLE DE LUMIERES :
La famille des Rostomides était une famille de savants. Parmi les disciplines qu'elle pratiquait figuraient les sources du droit, le droit, les commentaires, la controverse religieuse, l'hérésiologie, la lexicographie, la grammaire, l'analyse grammaticale, la rhétorique et la science des astres.
Abu Zakariya nous raconte l'anecdote suivante : " Nous avons appris que l'un d'eux dit un jour : " A Dieu ne plaise qu'il se trouve parmis nous une servante qui ignore la mansion où se trouve la lune". …… " Une nuit, Abdel Waheb veilla avec sa sœur pour étudier en même temps qu'elle les problèmes de quottes parts des héritiers. Quand le jour se leva, ils avaient calculé les héritages des gens d'orients et d'occident.
Grande était la sagesse des ces savants imams : " La renommée de Abderrahamne Ibn Rotom est arrivée jusqu'aux gens de Bassorah par l'intermédiaire des musulmans membres de la secte. Ils lui envoyèrent trois charges d'objets précieux. Quand leurs envoyés arrivèrent à Tahert, ils se mirent à demander la maison du commandement, après avoir laissé les charges en dehors de la ville. Lorsqu'on leur eut indiqué la maison, ils s'y rendirent. Or l'imam était au sommet du bâtiment en train de réparer la terrasse et, au-dessous de lui, un esclave lui passait du mortier. Ils demandèrent à l'esclave de lui introduire; celui-ci ne répond pas, convaincu que l'imam avait entendu leur demande. Il lui dit en effet : " fais-les attendre un peu ". Il descendit du mur, se lava pour faire disparaître les traces de mortier que portait son corps, puis les fit introduire. Ils entrèrent, il leur rendit leur salut et plaça devant eux quelques morceaux de pain sur lesquels il versa du beurre contenu dans une petite outre. Quand ils eurent mangé, ils lui demandèrent la permission de se concerter; il la leur accorda; ils discutaient entre eux et tous furent d'accord pour dire qu'il leur plaisait de lui offrir leurs cadeaux.
Quand les charges furent présentées, il demanda avis à ces compagnons, ceux-ci lui conseillèrent de les prendre pour partager entre les musulmans pauvres les armes et les approvisionnements. Il le fit en présence des ces envoyés.
Ils admirèrent son mépris de ce bon monde et son aspiration à l'autre monde, le reconnurent pour imam et demeurèrent en liaison avec lui en lui écrivant et en prenant ses avis… "
SEDRATA DE OUARGLA :
C'est alors que, fuyant à nouveau, comme son ancêtre Abderrahmane Ibn Rostom cent trente ans tôt, le dernier imam rostomide de Tahert se réfugie avec sa famille et les plus importants savants Ibadhites à Sedrata, dans l'oasis de Ouargla, qui faisait partie des marches de l'empire disparu.
Quittant l'état de gloire où l'imamat manifeste toutes ses prérogatives politiques et religieuses, les Ibadhites revenaient à l'état de " secret " qui était le leur avant Tahert.
- IBN ROSTOM:
Ouargla, Sedrata fut gouvernée par un conseil de notables puis, plus tard, au début du onzième siècle, par des conseils de reclus (al-Azzaba) présidés par un Cheikh dont l'autorité se manifestait aussi bien sur le plan spirituel que profane.
Alors que peu de traces subsistent de l'ancienne Tahert, on connaît très exactement l'emplacement et les dimensions de Sedrata. A quatorze kilomètres au sud d'Ouargla, tout près de Garat Krima, montagne tabulaire isolée, d'immenses champs de dunes dont certains ont plus de 20 mètres de haut recouvrent les ruines de l'ancienne cité Ibadhtite dont les murs percent le sable jaune, poignants témoignages d'une vie disparue.
Des fouilles entreprises durant les années 1950, 51 et 52 par une archéologue, Mlle Van Berghem, ont permis de mettre à jour des appareillages vastes et intelligents de seguias, canaux d'irrigation, rues, quartiers, s'étendant sur plus de deux kilomètres de long et un kilomètre de large. Seule une infime partie du terrain a été fouillée, mais les découvertes effectuées ont montré qu'il y avait un an à Sedrata, une vie citadine puissamment organisée, avec un raffinement des mœurs dont le témoignage le plus évident est un ensemble décoratif en plâtre sculpté que l'on peut voir pour partie au musée d'Alger et pour une autre partie au musée de Ouargla.
Sedrata connut aux dixième et onzième siècles une très grande prospérité qui alla s'atténuant. On pense généralement qu'elle fut détruite en 1274. Mais entre-temps, les Ibadhites, qui avaient eu le temps d'être prudents, avaient pris leurs précautions. Envoyant des missions dans différents sites désertiques du sud, ils étaient partis à la recherche d'une zone de repli, vraiment inaccessible, au cas où….